Bachelard et Bergson : continuité ou discontinuité ?

Compte rendu du Colloque international des 28-29-30 septembre 2006. Université Jean Moulin Lyon 3

Du jeudi 28 septembre à 14h au samedi 30 septembre 2006 à 12h s'est tenu en l'Amphithéâtre Huvelin de l'Université Jean Moulin un colloque international Bachelard et Bergson : continuité ou discontinuité ? Une relation philosophique au cœur du 20e siècle en France, co-organisé par le Centre de Recherches Philosophiques de l'Université Lyon 3, le Centre International d'Études de la Philosophie Française Contemporaine de l'ENS-Ulm, en collaboration avec le Centre Gaston Bachelard de l'Université de Bourgogne et avec le soutien de l'Université Lille 3. Ce colloque réunissant des chercheurs français, européens (Italie, Suisse, Grèce) et africain (Bénin) se donnait pour but d'examiner les relations de l'œuvre de Gaston Bachelard à la pensée d'Henri Bergson, afin de mettre en évidence les différentes dimensions de ces relations, à la fois explicites et complexes. Si Bachelard se réfère à Bergson de façon récurrente tout au long de son œuvre, souvent de façon critique, parfois en s'en réappropriant les thèmes de réflexion, il n'en demeurait pas moins nécessaire d'examiner de façon détaillée ces 'reprises', transformations, prolongements et renoncements, afin d'éclairer la portée d'une relation philosophique dont le retentissement est ressenti comme décisif pour le destin de la philosophie française contemporaine.

Ce colloque se donnait ainsi pour ambition de couvrir l'ensemble des domaines que les deux philosophes ont abordé dans leurs œuvres, par un découpage thématique en 4 rubriques : Métaphysique, Philosophie des sciences, Théorie de la connaissance et Esthétique. Après l'ouverture du colloque par les organisateurs, la conférence inaugurale de Marie Cariou, professeur émérite et doyen honoraire de la Faculté de Philosophie de l'Université Jean Moulin, a permis de souligner d'emblée la complexité de la relation philosophique qui se noue entre les œuvres de Bachelard et Bergson, en montrant qu'au-delà des questions de continuité et de discontinuité se jouait une relation complexe et subtile, qu'il serait vain de vouloir enfermer dans le couple filiation-rupture. La continuité et la discontinuité, plus qu'une façon de décrire les rapports des deux philosophes, constitue peut-être surtout une porte d'entrée thématique et problématique dans la relation des deux œuvres. C'est ce qu'ont permis de préciser les conférences de l'après-midi, quant à la portée de la relation Bachelard-Bergson pour l'histoire de la philosophie française du 20e siècle (F. Worms), mais aussi sur les questions du temps (G. Polizzi), du dynamisme de la pensée et de la vie (J.-J. Wunenburger), ou encore du dépassement de l'humanité (JM. Le Lannou). La journée du vendredi, consacrée aux sciences et à la connaissance, devait s'inaugurer par une réflexion sur la notion de progrès (D. Apraez), pour aboutir, au terme d'une enquête minutieuse sur le contexte épistémologique de la première moitié du 20e siècle en France (A. Brenner, F. Fruteau), sur une série d'interventions situant les deux auteurs dans le champ ouvert par l'avènement de la nouvelle physique (G. Chazal), notamment la théorie de la Relativité (D. Parrochia, E. During). Les exposés de l'après midi revenaient quant à eux sur des questions plus générales, concernant le rôle du langage (C. Stancati), la question du sujet (C. Vinti), l'épistémologie et le rationalisme (G. Kissezounon) ou encore le dynamisme de la pensée scientifique (J. Lamy). En fin de journée, il fut ensuite question du vivant (O. Perru) et de la rencontre fertile des deux auteurs dans l'ontologie génétique de Simondon (JH. Barthélémy). La dernière matinée de travail devait alors se confronter aux problématiques du rêve (I. Kyvelos), de l'ontologie poétique (V. Chiore) et de l'image (F. Ide). Puis, à la suite d'une méditation triangulée autour de Bergson, Bachelard et Proust (J. Libis), le colloque s'est achevé sur une note musicale, en conjuguant la pensée au rythme des mots et des sons (E. Emery).

Au terme de ces trois journées, au cours desquelles les discussions furent nombreuses, le colloque était loin de véritablement conclure, au sens d'une clôture des travaux sur eux-mêmes. Les perspectives esquissées, loin de réduire la richesse jusque là insoupçonnée des relations qui se tissent entre les œuvres de Bachelard et de Bergson - certaines bien visibles, d'autres à prolonger, certaines encore à dévoiler - se dessine un 'avenir de pensée' pour les recherches sur la philosophie française contemporaine, dont il ne fait aucun doute que les travaux de ce colloque pourront alimenter et aiguillonner les réflexions.

Julien LAMY, Université Jean Moulin