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La littérature est-elle de son temps ?
A partir de 9h
L’INACTUALITÉ
La littérature est-elle de son temps ?
La littérature démode-t-elle ? « Celui qui appartient véritablement à son temps, le vrai contemporain », propose ainsi Giorgio Agamben, « est celui qui ne coïncide pas parfaitement avec lui ni n’adhère à ses prétentions, et se définit, en ce sens, comme inactuel ; mais précisément pour cette raison, précisément par cet écart et cet anachronisme, il est plus apte que les autres à percevoir et à saisir son temps. »
Si l’écrivain, comme on l’a souvent dit, ne peut que s’exiler, par son geste même, de son époque et de ses urgences, pour tenter de gagner un « retrait pensif », c’est alors non tant pour se complaire dans quelque passéisme stérile que pour se consacrer à « l’invention du présent » (Bergounioux). Contrairement aux discours médiatiques en quête d’une asymptotique simultanéité avec l’événement, l’oeuvre littéraire semble pactiser avec l’inactualité définie par Nietzsche comme volonté « d’agir contre le temps, donc sur le temps, et, espérons-le, au bénéfice d’un temps à venir » (Considérations inactuelles). La tentation est pourtant grande, pour qui vit l’écriture comme écart ou séparation de s’engouffrer dans un désengagement définitif, « enfouissement coupable dans l’anachronisme, l’Inactuel de l’Écrire » (Barthes). L’individu affronte alors la pression de l’Histoire collective, pour la refuser comme aliénation.
Peut-être l’écrivain de son temps est-il celui qui s’abstrait sans s’abstenir, «Actuel/Inactuel» (Barthes) dont le présent s’éprouve tissé de temporalités multiples, à l’exemple d’un Chateaubriand « au confluent de deux fleuves ». Si le texte doit constamment inventer son lieu, ce dernier relèverait davantage de la paratopie définie comme état de l’écrivain « intensément présent et intensément absent de ce monde » (Maingueneau) que de l’hétérotopie foucaldienne, voire de l’hétérochronie.
Inactuel serait celui qui affronte, au-delà des apparences, « les ténèbres du présent» (Agamben), soit la tache aveugle soigneusement élidée par le culte du simultané. L’inactualité permettrait ainsi à l’écrivain de fixer par cet écart ce qu’il ne peut s’il n’écrit regarder, et l’érigerait en « témoin de l’Inactuel » à l’instar de Barthes découvrant l’obsédante présence de la Mort dans des clichés photographiques tendus entre « cela a été » et « cela sera ».
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Gilles Bonnet
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