La prosopographie au service des sciences sociales

Champ de recherche initié par l'histoire antique, notamment par l'épigraphie romaine, la prosopographie est devenue une méthode et un outil majeurs de la recherche actuelle. Les travaux anglo-saxons, puis allemands ont conduit à un double élargissement des perspectives prosopographiques : désormais, la prosopographie concerne toutes les périodes historiques et s'est élargie à l'ensemble de l'histoire sociale. Ses méthodes ont également intégré l'évolution technologique pour donner une nouvelle dimension à l'approche quantitative et favoriser des analyses typologiques. Dès lors, la prosopographie permet d'obtenir aussi bien l'image statique d'un groupe institutionnel, social ou familial à un moment donné - comme l'illustrent les dictionnaires du mouvement ouvrier ou les travaux sur les entourages royaux - que l'image dynamique d'un destin individuel ou de celui d'une famille sur plusieurs générations.
Cet enrichissement du champ et des méthodes conduit les chercheurs à explorer des pistes nouvelles et nécessite donc de poser un regard critique sur la prosopographie telle qu'elle est conçue et utilisée de nos jours. Certaines démarches ont suscité le débat : le développement d'une approche quantitative a montré ses limites et, par contrecoup, revalorisé les acteurs individuels et la notion de sociobiographie, d'autant que les différentes périodes historiques se prêtent inégalement à l'approche quantitative. D'autres champs, comme l'histoire des femmes ou les phénomènes de mobilité, n'ont été explorés que récemment, dans le cadre d'une diversification des objets. La multiplication des études prosopographiques grâce à l'outil informatique amène aussi à poser la question de la finalité de ces enquêtes : il s'agit non seulement de produire, mais aussi de réfléchir à l'accessibilité des études et des bases de données, enfin à leur utilisation et à leur exploitation historique ou sociologique.
Le thème retenu par le colloque organisé à Lyon, en novembre 2010, dans le cadre du PPF Élites lyonnaises et régionales de Lyon 3, est donc vaste : il souhaite réfléchir sur les outils et méthodes prosopographiques, s'interroger aussi sur les apports récents, voire les limites des études prosopographiques. La diversification actuelle de ces études nous a conduits à croiser les regards entre les différentes périodes historiques, mais aussi entre historiens et non historiens (littéraires, juristes, sociologues) dans une optique internationale autant que pluridisciplinaire.