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Langages (de) frontaliers
Le mot borderline, dans le domaine des sciences de l'homme, qualifie un dysfonctionnement psychique et comportemental. Dans la littérature, ils expriment un mal être affectant les civilisations occidentales. Les « frontaliers » invitent à une réflexion sur le devenir du sujet, au sein de manifestations fictionnelles elles-mêmes marginales ou paradoxales. Le langage des « frontaliers », traversé par leur double appartenance, est conditionné par un état intérieur qui, dans le texte fictionnel, peut être traduit de multiples façons : le texte donne la parole à ceux qui en sont privés (pour des raisons souvent en rapport avec la violence d'une Loi imposée par autrui). Il convient également d’interroger la corrélation entre les personnages de l'« entre deux » (deux mondes, deux voix, deux langues) et une « appartenance » originelle obviée, voire oubliée. À cet égard, s'interroger sur les langages frontaliers peut être une manière oblique et nouvelle d'évoquer la figure de l'apatride tel que le définit Judith Butler, soumis aux lois arbitraires d'un état qui n'est jamais qu'un espace transitoire, dépourvu de repères stables, où s'aventure une identité fragilisée, toujours susceptible de s'égarer en chemin.
La question de l'expression du « sujet » en situation-limite est donc étroitement corrélée à une réflexion politique excédant largement l'intérêt supposé pour les psychologies du débord. Le « frontalier », tout à la fois victime et bourreau, symptôme et remède, miroir et conscience critique d'une époque, est, avant tout, une image ou un signe, doté d'une valeur herméneutique.
Comment l'écriture explore-t-elle ces zones intermédiaires ? Comment s'élaborent ces langages du passage, de l'entre-deux, de l'interstice ? Comment traduire l'affleurement d'une expérience traumatique, d'un refoulé retenu dans l'oubli, à moins qu'il ne se tienne, comme l'écrit Pascal Quignard, « au bout de la langue » ?
Le compte rendu d'états intermédiaires de la conscience, l'exploration des zones de passage de la pensée intime à son expression pour autrui, la traduction textuelle de difficultés à (se) dire sont autant de stratégies textuelles auxquelles on pourra, lors de ce colloque, consacrer des analyses approfondies.
Il s'agira donc d'étudier le mode d'expression de personnages à travers lesquels, au sein d'un dispositif textuel précis, est interrogée une situation socio-historique problématique.