Trous de mémoire, failles du cerveau : le témoignage de la littérature (Alzheimer et autres troubles)

Evènement | 23 mai 2014
Vendredi 23 et samedi 24 mai 2014, de 9h à 18h
Trous de mémoire, failles du cerveau : le témoignage de la littérature (Alzheimer et autres troubles)

Le présent colloque se donne comme objectif de rassembler et de faire dialoguer médecins, neurologues, cognitivistes et psychanalystes, historiens des sciences et spécialistes des littératures et des arts (art visuel : peinture, photographie, sculpture, land art, cinéma) autour des altérations possibles de la mémoire.

 Plusieurs axes thématiques pourront structurer ces rencontres :

  1.  La question des représentations spatiales du cerveau et des facultés localisées dans les textes médicaux et les textes littéraires.
  2. La retranscription ou la mise en fiction du trou de mémoire et du trouble cérébral en tant qu’expérience vécue dans les textes littéraires et dans les récits de cas médicaux.
  3. L’histoire des représentations du vieillissement, et précisément aujourd’hui de la maladie d’Alzheimer, dans les textes littéraires et les arts.
  4. L’appréciation des productions d’artistes vieillissants en continuité ou en rupture avec leurs œuvres antérieures (oubli, reniement, essentialité, souveraine liberté…). S’agit-il de se renouveler dans l’urgence ? de se donner le droit d’oublier ? d’être Autre ?
  5. La part du refoulé, le conflit des pulsions, la transparence psychique, formes de régression, dans les écrits tardifs.
  6. Le traitement mémoriel de la temporalité : le remaniement des événements.
  7. Les œuvres tardives : la réception des dernières traces (on donne pour exemple la polémique récente autour de la publication des dernières notes de Roland Barthes).
  8. Le phénomène d’aphasie chez les écrivains.
  9. La définition d’un « style  tardif» : Edward W. Said, On late style : music and literature against the grain, (traduit de l’anglais,  éd.Actes-Sud, 2012).

Pour plus d'informations, téléchargez le programme complet ci-contre.


Présentation du colloque :

Les progrès rapides de l’exploration cérébrale par l’imagerie médicale et les neurosciences (et précisément les neurosciences cognitives) dans les dernières décennies ont des répercussions dans l’ensemble du champ des Sciences Humaines et Sociales. La connaissance de l’homme neuronal, la cartographie rendue possible des lésions, les découvertes sur la plasticité cérébrale, si elles nous apprennent quelque chose de nouveau du sujet pensant et du sujet parlant, mettent à l’épreuve l’anthropologie, la philosophie, ou encore la psychanalyse, disciplines qui, elles aussi bien sûr, tiennent un discours sur le fonctionnement de l’esprit, de l’intelligence et des émotions.

À côté des événements traumatiques circonstanciés, le vieillissement a naturellement des effets délétères sur les mécanismes de la mémoire (Grady et Craik, 2000) à interpréter alors en termes de déficit : perte dans la richesse et l’organisation des représentations, altération de l’inhibition des informations non pertinentes, ralentissement des opérations cognitives... Dans ce débat d’idées, la littérature – dont le propre est sans doute de n’avoir pas de territoire propre – occupe une place singulière : elle est au carrefour disciplinaire qui lui permet de rendre compte des tensions, des négociations entre ces différentes représentations de l’homme.

Les représentations littéraires – et plus largement artistiques (arts plastiques, cinéma) – de l’activité du cerveau et plus particulièrement du fonctionnement de la mémoire sont un angle d’attaque particulièrement intéressant pour comprendre comment, historiquement, ont dialogué littérature et médecine. L’importance sociale accrue des problèmes liés au vieillissement de la population, l’éclairage particulier donné à la maladie d’Alzheimer, trouve des actualisations intéressantes dans la littérature la plus contemporaine (Martin Suter, Small Word, 2000 pour la trad. ; Olivia Rosenthal, On n’est pas là pour disparaître, 2008 ; Cécile Wasjbrot, L’Hydre de Lerne, 2011, par exemple) et le cinéma (Zabou Breitman, Se souvenir des belles choses, 2001 ; Sarah Polley, Loin d’elle, 2006 ; Lee Chang-dong, Poetry, 2010 ; Amour, Haneke, 2012).

Mais on n’a évidemment pas attendu les XXe et XXIe siècles pour appréhender l’homme à partir des défaillances du cerveau et de la mémoire. L’expérience du trou de mémoire, des syncopes temporelles, de la dépersonnalisation, de l’absence à soi-même ou de la « panne » dans la logique du raisonnement est thématisée depuis longtemps par les textes littéraires, chez Montaigne ou chez Rousseau, par exemple, qui font de ces accidents non seulement l’occasion d’une réflexion sur la fragilité de l’homme mais aussi l’occasion d’un ressaisissement de soi, voire d’une recomposition de soi. Pour Duras, il s’agirait plutôt d’un ravissement de soi, seule réponse possible à un événement dont l’intensité vient effracter, trouer (motif récurrent) l’existence du Sujet et le confronter à une inquiétante étrangeté.  La littérature abordant la question de la mémoire et de ses aléas semble tiraillée entre l’idéal proustien d’une mémoire totale redonnée dans le souvenir involontaire et une conception du sujet, marquée, au contraire, par l’incomplétude, par la reconnaissance d’un vide ou d’une perte irrémédiable, qui serait précisément à l’origine de la subjectivité. Bien des textes contemporains, de toutes disciplines, abordant la thématique du vieillissement et de la mémoire mettent en tension ces visions du sujet. Ainsi, G. Deleuze et F. Guettari dans Qu’est-ce que la philosophie ? suggèrent-ils que pour le philosophe arrivé au terme de son parcours « il est tard et l’heure de parler concrètement ». Peut-être pour tout artiste vieillissant en tout cas, est-il l’heure de parler autrement ?

INFOS PRATIQUES

Lieu(x)
vendredi 23 mai : salle 314 (18 rue Chevreul)
samedi 24 mai : salle Garraud (15 quai Claude Bernard)
Contact

Frédérique LOZANORIOS

frederique.lozanorios@univ-lyon3.fr

Type

A la Une, Actualité net3, Colloque / Séminaire